Qu’est-ce ces violonistes ont en commun ?
Nathan Milstein
Yasha Heifetz
Ior Oistrakh
Henryk Szerying
Yehudi Menuhin
Itzhak Perlman
Il sont en effet parmi les meilleurs violonistes de tous les temps...
Ils sont tous nés avant 1950…
Ils ont acquis une maîtrise technique dès leur plus jeune âge…
Ils avaient tous un sens de la sonorité extraordinaire…
À un point qu’il était facile de reconnaître leur sonorité spécifique…
et...
Ils jouaient tous
sans coussin/épaulière!
Bien sûr, ils n'étaient pas les seuls puisque d'autres grands violonistes du XXe siècle comme Ruggiero Ricci, Leonid Kogan, Aaron Rosand, Michael Rabin, Zino Francescatti et Arthur Grumiaux jouaient également sans coussin, tout comme la superstar actuelle Augustin Hadelich.
Jouer avec un coussin est en fait une tendance assez nouvelle puisqu'elle est apparue dans la seconde moitié du XXe siècle et le coussin est devenu un accessoire standard dans l'apprentissage du violon à partir de la fin des années 1960. Si au début on utilisait parfois une éponge ou quelque chose de similaire, le fameux « Kun » a été introduit en 1968 et il existe aujourd'hui de nombreux modèles différents, dans toutes sortes de matériaux, allant du plastique au carbone et avec des prix allant jusqu'à plusieurs centaines d’euros.
Il est donc très probable que de nombreux violonistes nés après 1960 et qui lisent ceci ont joué toute leur vie avec un coussin. Cela signifie-t-il que le coussin est nécessaire pour jouer du violon ? Clairement non. Sans lui, les grands violonistes du XXe siècle ont atteint les cimes de l’histoire du violon. Si il a d'abord été conçue pour contribuer à rendre les choses « plus faciles », le coussin est devenu un accessoire qui a conduit de nombreux violonistes et altistes à tenir leur instrument de manière moins connectée, certains diront d’une manière moins « correcte », devenant une béquille vitale pour beaucoup, un outil qui ne peut être retiré sans sérieusement perturber leur jeu.
Force est également de constater qu'il existe également de nombreux grands violonistes qui jouent avec un coussin/épaulière, même si, encore une fois, la liste comprendra majoritairement des violonistes nés après 1960. Je ne suis donc pas ici pour comparer le niveau de maîtrise entre les deux types de techniques ou deux types d'écoles, ancienne et nouvelle, mais plutôt pour partager le chemin que j'ai parcouru au cours de mes presque 40 années de carrière, en tant que soliste et chambriste.
Après de nombreuses années de recherches personnelles dans ce domaine, je propose aujourd'hui de partager ma compréhension et ma connaissance de la technique qui permet à tous les violonistes et altistes de jouer sans coussin, l'instrument reposant sans effort sur la clavicule et soutenu par la main gauche. Bien que cette technique ait déjà été bien décrite par de grands noms tels que Lord Yehudi Menuhin et Aaron Rosand ainsi que par des pédagogues reconnus, une vision renouvelée de la question ainsi que des instructions et des conseils pratiques directs permettront à tout étudiant ou enseignant, de comprendre, expérimenter, maîtriser et éventuellement apprécier et prendre plaisir à jouer sans coussin.
Curieusement, si jouer avec un coussin est devenu très courant à la fin du 20e siècle, c'est également à cette époque que le jeu sur instruments historiques a gagné en reconnaissance. De nos jours, alors que nous nous préparons à entrer dans le deuxième quart du 21e siècle, la plupart des violonistes et altistes seront confrontés à la nécessité de jouer de la musique baroque d'une manière historique et pourraient donc très bien devoir jouer sur des instruments baroques à un moment donné, bien sûr sans coussin (ni ‘ailleurs de mentonnière). C’est ici que le jeu «vielle école» rencontre la «pratique historique de l’instrument», car apprendre à se sentir à l’aise sans épaulière deviendra bientôt incontournable pour les violonistes et altistes professionnels d’aujourd’hui et de demain.
Même si vous pensez que cela n’a pas d’importance dans votre vie de violoniste ou d’altiste, je suis convaincu que cela changera en fait toute votre vision du jeu une fois que vous aurez fait le grand saut…
Vous ne deviendrez peut-être pas le prochain Heifetz ou Perlman, mais cela vous ouvrira de nouveaux horizons d’une manière que vous n’imaginez pas.
La première chose qu'on m'a demandé de faire le jour où j'ai commencé le violon, à l'âge de 7 ans, c'était de mettre mon petit violon sur mon épaule et mon menton sur la mentonnière afin de «serrer» l'instrument entre les deux et de le tenir sans les mains. J'ai été fier de pouvoir le faire tout de suite ! Dans les années qui ont suivi, j'ai progressé rapidement, entrant au CNSM de Paris seulement 4 ans plus tard, certes en division préparatoire, avant d'être admis en division « supérieure » l'année suivante. J'ai continué à pouvoir fièrement tenir mon violon serré entre mon épaule et mon menton pendant toutes les années d'études suivantes, notamment aux États-Unis et à la Juilliard School après avoir obtenu mon 1er Prix de Paris à l’unanimité et fait un 3ème cycle. Gagner quelques prix internationaux semblait de mise et ce fut en effet le cas à différents endroits, notamment au concours international Paganini et au Long-Thibaud à Paris.
Une seule fois au cours de toutes ces années, une personne, un très bon violoniste amateur, m’a dit que je n’avais pas besoin d’utiliser un coussin ni de « serrer » le violon pour jouer. Comme j’étais jeune et assez sûr de moi à l’époque, j’ai rejeté sa suggestion avec gentillesse, mais cette pensée ne m’a jamais vraiment quitté l’esprit. Comme beaucoup, j'ai testé plusieurs modèles de coussins au fil des années, même si le choix lorsque j'étais jeune violoniste était beaucoup plus limité qu'aujourd'hui. Concevoir et vendre des coussins ou épaulières est devenu un marché très compétitif et il existe désormais des coussins de « luxe » qui se vendent des centaines d’euros… ! Même si je n’ai jamais engagé de telles dépenses, j’ai quand même dépensé du temps et de l’argent, toujours à la recherche d’un « meilleur » modèle.
Ce n'est cependant que plus tard, après plusieurs années de réflexion sur le bien-être physique en jouant du violon, de travail sur la Technique Alexander, d'observation d’autres violonistes (étudiants et collègues), de lecture de quelques livres traitant du sujet (tels que « Le Violon Intérieur » de Dominique Hoppenot), que j'en ai conclu qu’il était nécessaire de faire le grand saut…. C'est-à-dire de se débarrasser du coussin/épaulière.
Cela a ouvert un nouveau chapitre dans mon jeu, où la liberté physique, la sonorité et l'expression musicale sont devenues des centres d’attention renouvelés dans mon jeu. Inutile de dire que je ne rejouerai plus jamais avec un coussin à l’avenir. Découvrir à quel point il est merveilleux de jouer sans coussin - et surtout après avoir joué à un niveau élevé AVEC un coussin pendant de nombreuses années - m'a amené à devenir un défenseur du jeu libre, sans coussin!
Contrairement au grand Yascha Heifetz qui demandait à quiconque jouant avec un coussin de quitter la classe où il enseignait et qui affirmait également que ceux qui avaient besoin d'un coussin devraient plutôt envisager apprendre le violoncelle, je n'ai jamais imposé à quiconque de retirer le coussin parmi mes élèves au cours des nombreuses années d'enseignement, mais bien sûr, j'ai toujours aidé mes élèves à comprendre comment ils pouvaient tous accomplir cette tâche, en leur démontrant à quel point cela pouvait les faire progresser, à la fois physiquement et musicalement.
Je propose aujourd’hui des ateliers de 1 à 4 jours pour aider les violonistes à comprendre et acquérir la technique du jeu sans coussin. Bien entendu, comme tout en musique, un tel atelier n'a pas pour but d'apporter la maîtrise de cette technique en si peu de temps, mais plutôt de donner les outils nécessaires à chaque violoniste pour continuer à travailler, comprendre le processus et finalement pleinement apprécier et profiter de cette technique de jeu. En ce sens, une nouvelle session de travail en atelier quelques semaines plus tard est également fortement recommandée afin de suivre les progrès de cette technique.
À notre époque où beaucoup de musiciens sont ou seront amenés à jouer de la musique baroque d’une manière plus ou moins authentique, ce sujet est devenu indispensable et aidera beaucoup à acquérir les bases de la « tenue » du violon baroque. Mais plus globalement, sans être la solution à toutes les difficultés du jeu, une tenue du violon sans coussin associée à la technique de main gauche appropriée permettra aux violonistes et altistes d’acquérir :
-Un meilleur contact avec l’instrument
-Une tenue sans tension dans les deux épaules ainsi que dans la main gauche
-Un bien-être physique qui préviendra des problèmes à long terme (épaule, dos, etc.)
-Une précision de justesse accrue
-Un meilleur « sens » du son
-Une plus grande liberté et donc variété de vibrato
-Tous ces éléments résulteront en une plus grande liberté artistique et créatrice...